17 mai 2019
Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie : témoignage
Dans le cadre de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, LOJIQ s’est entretenu avec Anne-Sophie Ponsot, une participante inspirante qui a réalisé un stage du 23 octobre 2017 au 12 janvier 2018 au sein du Bureau du Québec à Mumbai (BQM) en Inde.
À titre de chargé(e) de projets, Anne-Sophie a contribué au développement d’un dialogue entre les communautés transgenres du Québec et celle de Mumbai. Son mandat consistait à animer les réseaux sociaux sur ces enjeux, coordonner les célébrations de la journée internationale du souvenir TRANS et développer un réseau de contacts au sein de l’HUMSAFAR TRUST, qui est la plus ancienne organisation LGBTQ d’Inde. Fondé par le réputé journaliste Ashol Row Kavi à une époque où les mouvements de protection des droits des LGBTQ n’existaient pas en Inde, l’HUMSAFAR TRUST est aujourd’hui le principal organisme défendant les droits des minorités sexuelles dans le pays.
LOJIQ : Quelles sont les raisons qui t’ont amené à déposer ta candidature pour la réalisation de ce stage?
Anne-Sophie : Ce stage était pour moi une opportunité incroyable d’en apprendre davantage sur les réalités des personnes transgenres (et LGBTQ de manière plus générale) en Inde. Ayant étudié les vlogs (ou video blogs) d’hommes transgenres occidentaux dans le cadre de ma maîtrise en sociologie à l’Université d’Amsterdam, j’étais très intéressée à en apprendre davantage sur les différences (et similitudes!) dans la façon de concevoir l’identité de genre ailleurs dans le monde.
LOJIQ : Quelles sont les missions qui t’ont été confiées? As-tu des exemples concrets?
Anne-Sophie : Ma principale mission était d’établir un dialogue entre les communautés transgenres de l’Inde et du Québec. Pour ce faire, la principale activité que je devais organiser dans le cadre de mon stage était un échange par visioconférence entre des personnes transgenres de l’Inde et du Québec. Malgré certaines embûches (dont un séjour à l’hôpital après avoir contracté la fièvre dengue!…), nous avons réussi à organiser une rencontre juste avant la fin de mon stage : deux personnes transgenres du Québec et une personne hijra ainsi qu’une personne s’identifiant comme androgyne de l’Inde ont échangé par rapport à leurs réalités respectives. Ce fût très enrichissant comme échange, et l’émissaire des droits et libertés de la personne, Mme Julie Miville-Dechêne, a également pu prendre part à la rencontre. J’ai également contribué à l’organisation de la projection du film Laurence Anyways, du réalisateur québécois Xavier Dolan, dans un collège indien.
LOJIQ : Aujourd’hui se tient la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Quelles sont les principales différences entre l’Inde et le Québec dans la manière d’aborder ce sujet?
Anne-Sophie : Je pense qu’une différence importante entre les deux luttes se situent principalement au niveau législatif : les communautés indiennes doivent toujours lutter contre l’article 377 du code pénal indien, qui criminalise les actes sexuels « contre l’ordre naturel », ce qui vise l’homosexualité. La mobilisation de la part des groupes LGBTQ indiens est toutefois extrêmement inspirante; les efforts menés depuis des années ont, selon moi, contribué à faire cheminer les mentalités par rapport à la reconnaissance des personnes LGBTQ, bien que beaucoup reste à faire. Nous avons le privilège au Québec de ne pas être confronté à ce type de lois discriminantes, mais cela ne signifie pas pour autant que des avancées législatives à certains niveaux ne sont pas de mises. Par exemple, le Québec est la seule province au Canada où il est obligatoire d’être citoyen pour être en mesure de changer son prénom et la mention de son sexe sur ses documents d’identité, ce qui a des répercussions négatives importantes pour les personnes transgenres migrantes.
LOJIQ : Qu’as-tu appris de la lutte contre l’homophobie et la transphobie telle qu’elle est menée en Inde?
Anne-Sophie : J’ai appris que malgré la criminalisation de l’homosexualité, la mobilisation pour lutter contre l’homophobie et la transphobie est foisonnante ! Il était également très inspirant et touchant de voir à quel point les activités et services offerts par des groupes LGBTQ indiens pouvaient être une oasis de soutien pour beaucoup de personnes, confrontées à des familles ou proches moins compréhensifs ou tolérants. Il est intéressant également de noter qu’il n’y a pas « qu’une seule » mobilisation LGBTQ en Inde, mais bien différentes perspectives et courants de pensée, comme au Québec finalement !
LOJIQ : Quelles sont les retombées de ce stage dans ta vie professionnelle? Dans ton quotidien?
Anne-Sophie : Ce stage m’a permis de développer un très bon réseau de contacts dont je vais certainement bénéficier tout au long de ma carrière. Il me permet également de voir d’un nouvel œil la mobilisation LGBTQ au Québec, d’en apprécier les similitudes et les différences avec celle(s) en Inde.
LOJIQ : Aimerais-tu profiter de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie pour passer un message?
Anne-Sophie : Je pense qu’il est important de se rappeler que l’homophobie et la transphobie ont des impacts variables selon différents aspects sociaux; autrement dit, il faut prendre en considération l’intersection des différentes discriminations et oppressions qui peuvent affecter des individus. Par exemple, je me considère queer mais je suis également blanche et ai pu bénéficier d’un soutien financier à plusieurs niveaux (notamment me permettant de participer à un stage à l’étranger !); bref, mon expérience en tant que personne queer va grandement différer de celle d’une autre personne LGBTQ n’ayant pas accès aux mêmes ressources et privilèges que moi. Nous pouvons apprécier les avancées sociétales en matière de lutte contre l’homophobie et la transphobie, mais il importe de se rappeler des inégalités qui perdurent malgré tout en société et qui vont avoir une incidence importante sur les réalités des personnes LGBTQ.
LOJIQ : As-tu des photos pour illustrer ton expérience en Inde?
Anne-Sophie : J’ai malheureusement la fâcheuse habitude de prendre très peu de photos partout où je vais, mais par chance, Dominic Marcotte, le directeur du Bureau du Québec à Mumbai, a pris soin d’immortaliser notre échange entre personnes transgenres québécoises et indiennes.
En cette Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, LOJIQ est fier de soutenir et d’accompagner dans leurs projets les personnes issues de minorités sexuelles et de genre.