Du 4 au 8 mars 2025, 15 jeunes professionnel‧les du Québec engagé‧es sur les questions de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, accompagné·es par les chargées de projets Eve Line Lafond (OFQJ Québec) et Éléonore Saumier (OFQJ France), se sont rendu·es à Paris pour rencontrer des acteurs locaux œuvrant dans la prévention et l’accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles.

Après une première immersion en novembre 2024 à Montréal, où une délégation française avait exploré les pratiques québécoises, cette nouvelle étape pousse plus loin la réflexion.

Le programme de la semaine, co-construit par les sections française et québécoise de l’OFQJ, visait à approfondir les connaissances des participant‧es sur les pratiques innovantes en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en comparant et questionnant les dispositifs français en la matière. Ces professionnelles issues de divers milieux – magistrates, intervenant‧es sociales, psychologues ou encore policier‧ères – ont eu l’occasion de découvrir le fonctionnement de plusieurs organismes français, dans un esprit de collaboration et de partage. Ces échanges ont permis d’enrichir les réponses existantes et de bâtir des passerelles entre nos 2 territoires.

Le programme de séjour

Le mardi 4 mars en avant-midi, la délégation s’est rendue à la Cité Audacieuse pour une activité brise-glace.
Elles ont par la suite assisté à une présentation des actions de la Fondation des Femmes sise à la Cité Audacieuse.  La Fondation des Femmes est la structure de référence en France pour la liberté et les Droits des Femmes et contre les violences dont elles sont victimes. Grâce aux dons qu’elle reçoit, elle apporte un soutien financier, juridique et matériel aux initiatives associatives à fort impact, sur tout le territoire avec près de 550 projets associatifs soutenus ! À la Cité Audacieuse, les associations résidentes, dont les bureaux sont dans les étages, et les jeunes pousses associatives dans les espaces de travail partagé, se partagent les locaux. Au total, une cinquantaine de structures s’attellent tous les jours à faire progresser les droits des femmes.

Mardi après-midi, la délégation québécoise a été accueillie par la directrice générale et la présidente du Centre Hubertine Auclert, Charlotte Baelde. Hubertine Auclert est le Centre francilien pour l’égalité femmes-hommes. Il a pour principaux objectifs la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes à travers l’Observatoire régional des violences faites aux femmes. Il apporte de l’expertise et des ressources sur ces thèmes aux actrices et acteurs qui œuvrent sur le territoire francilien. Ce temps d’échange a permis à la délégation de rencontrer des membres de l’Observatoire et dialoguer avec des représentants de la Région Île-de-France et échanger avec la psychologue et la juriste de L’Abri, un lieu d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles.

Mercredi 5 mars au matin, la délégation s’est déplacée à Pantin pour une présentation des activités de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF). La FNSF est un réseau de 81 associations qui partout en France accueillent, accompagnent et hébergent les femmes victimes de violences et leurs enfants. La rencontre s’est déroulée avec la responsable du Pôle Justice et une des responsables du Pôle 3919, la ligne d’écoute, d’information et d’orientation destinée aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnel‧les.

Par la suite, en après-midi, s’est tenue une rencontre avec le Collectif féministe contre le viol (CFCV). Le CFCV est une association dont la mission est d’aider et soutenir les femmes et les enfants victimes de viols et d’agressions, ainsi que leur entourage. Cela va de l’écoute téléphonique à l’accompagnement au procès. Le Collectif tient la permanence d’une plateforme d’écoute téléphonique nationale “Viols Femmes Informations”, un numéro gratuit, anonyme et confidentiel pour les victimes de violences sexuelles, leurs proches et les professionnel‧les.

En matinée du jeudi 6 mars 2025, la délégation a été reçue à l’École nationale de la magistrature (ENM), où un membre du ministère de la Justice est intervenu pour présenter le système de justice français. Une personne représentant l’ENM a fait une présentation des dispositifs de formation à destination des magistrats mis en place au sein de leur structure.

Créée en 1958, l’École nationale de la magistrature est l’unique école de formation des magistrats de l’ordre judiciaire français. Elle joue un rôle de trait d’union entre savoir-faire et savoir-être, entre les magistrats et les acteurs de la justice et du droit, entre la pratique de la justice et la compréhension de la société.

En après-midi, la délégation québécoise s’est rendue à la Maison de protection des familles (MPF) du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) des Yvelines. Le colonel Rémy Moulinier, commandant du Bureau de la prévention et des partenariats de sécurité (BPPS) à la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), est intervenu pour présenter brièvement la fonction prévention en gendarmerie ainsi que le fonctionnement de l’institution. L’adjudante Lætitia a présenté le travail et les missions des MPF consacrées à la prévention, à l’accueil et à l’accompagnement des victimes.

Lancée fin 2019 à Bois-d’Arcy par la gendarmerie, la première Maison de protection des familles de France permet de recueillir la parole des victimes, de les guider judiciairement, mais aussi de les aider à se reconstruire. Les Maisons de protection des familles (MPF) renforcent l’engagement de la gendarmerie dans le suivi et l’accompagnement des victimes de violences conjugales.

Table ronde Regards croisés franco-québécois sur la lutte contre les VSS

En soirée, à l’Adacieuses Café, s’est déroulée la première table ronde “Regards croisés franco-québécois sur la lutte contre les VSS”, un événement ouvert au public au cours duquel 4 jeunes professionnelles françaises et québécoises ont échangé autour de 2 thématiques.

Marianne Beseme, secrétaire générale de l’OFQJ en France et Henri-Paul Rousseau, délégué général du Québec à Paris ont ouvert la soirée.

Lors de la première table ronde, Jeanne Létinois-Oudin de Solidarité Femmes Île-de-France et Justine Chénier du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), ont échangé sur la thématique de l’animation des réseaux féministes, de la prévention et l’accompagnement des femmes. Une deuxième table ronde a suivi avec Aurianne Villeminot, magistrate, et Andrée-Anne Péreault-Girard, avocate-conseil, sur la place de la justice face aux VSS.

Crédit photo © Jon Ongkieong

La journée du vendredi 7 mars 2025 a débuté par une rencontre à la Fédération nationale des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF). La Fédération nationale compte aujourd’hui 98 associations locales et 13 fédérations régionales. À travers 2 300 permanences animées partout en France, les CIDFF sont présents dans tous les départements et dans certains territoires d’outre-mer : en milieu rural, en centre-ville, et dans les quartiers politique de la ville.

Depuis 50 ans, les CIDFF exercent une mission d’intérêt général, confiée par l’État pour favoriser l’accès aux droits des femmes et leur insertion socio-économique. Les CIDFF contribuent à améliorer la vie des femmes et à construire une société plus égalitaire à travers la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.

A suivi une présentation par la police nationale de la Plateforme numérique d’accompagnement des victimes (PNAV). La PNAV permet aux victimes de violences sexuelles, sexistes et conjugales ainsi qu’aux témoins et professionnel‧les, d’échanger avec des policiers ou des gendarmes. Ces derniers sont spécialement formés face à ces situations. Les victimes ou témoins peuvent ainsi libérer leur parole et être pris en charge.

En après-midi la cohorte québécoise a été reçue à l’Association Médée. Créé en 2023, Médée est un collectif d’expertes engagées dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et dans la promotion de l’égalité femmes-hommes. Le projet repose sur la prise en charge des victimes dans un espace identifié, dédié à l’accompagnement des jeunes femmes victimes de violences, sur la formation des professionnel‧les et la lutte contre la récidive.

Samedi 8 mars 2025, pour conclure ces regards croisés, la délégation québécoise a partagé en matinée un temps d’échange avec des membres de la délégation française dans les locaux de l’OFQJ à Saint-Denis.

En après-midi, la délégation, scindée en 2 groupes, a été conviée à participer à 2 activités proposées par Feminists in the City. La première intitulée La France, les femmes et le pouvoir se déroulait dans le 7e arrondissement pour explorer l’histoire des droits des femmes en France. Cette conférence avait pour objectif de faire découvrir les luttes menées pour l’égalité qui ont considérablement influencé l’évolution de la société française ainsi que le rôle historique des femmes dans des postes de pouvoir cruciaux dans les domaines de la politique, de la santé, de la diplomatie et de la science.

La deuxième activité, Libération sexuelle contée par des hystériques, consistait en une visite guidée du 9e arrondissement. Des cabarets au street art de Pigalle et Montmartre, cette visite a été une véritable immersion dans l’univers de femmes historiques telles que la “vierge rouge”, la pucelle d’Orléans et Dalida, dans une ambiance décomplexée d’échanges, d’anecdotes et de débats sur le thème du sexe et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Composition de la délégation québécoise

Sara Arsenault
Responsable des dossiers politiques à la Fédération des femmes du Québec et administratrice d’une maison d’hébergement en violence conjugale.

Mélina Beaulieu
Doctorante en criminologie, Université Laval. Coordonnatrice scientifique de l’équipe « Violence-Justice », membre du Centre de Recherches Appliquées et Interdisciplinaires sur les Violences intimes, familiales et structurelles (RAIV), membre du comité étudiant du Centre RAIV.

Mylene Blackburn
Travailleuse sociale et médiatrice chez Équijustice au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Justine Chénier
Co-coordonnatrice et responsable du plaidoyer, de la défense de droits et de l’analyse politique au Regroupement québécois des CALACS (RQCALACS).

Noémie Desaulniers
Professionnelle, intervenante psychosociale – vice-présidente du CALACS de la région de Drummondville

Jo-Annie Fournier
Sergente-détective à l’unité des crimes à caractères sexuels au Service de Police de la Ville de Montréal

Véronique Jeandupeux
Criminologue de formation, Véronique est l’agente de liaison dédiée en violence conjugale du CAVAC de Montréal, module d’enquêtes spécialisées en violence conjugale du SPVM.

Laura Lacroix
Sexologue et conceptrice de programmes de prévention des violences sexuelles au Centre de Prévention et d’Intervention pour les victimes d’agression sexuelle (CPIVAS), elle a une expertise dans la sensibilisation et l’accompagnement des victimes, avec un accent sur la prévention en milieu scolaire et communautaire.

Alexandrine Lamoureux
PDG et co-fondatrice de Scène & Sauve, un OBNL œuvrant dans la prévention des violences à caractère sexuel en milieu festif.

Karyl Lamoureux
Agent de Quartier au Service de police de la ville de Montréal

Constance Laurin
Gestionnaire des services cliniques chez Juripop et criminologue de profession.

Rosanne Lord
Intervenante communautaire spécialisée en santé et services sociaux chez Accueil et Intégration BSL, avec une formation en soins infirmiers, massothérapie et une expertise en santé mondiale. Elle a une expérience variée en accompagnement de personnes vulnérables, notamment dans des contextes interculturels et de soins palliatifs.

Andrée-Anne Perreault-Girard
Avocate-conseil au ministère de la Justice du Québec, elle travaille depuis 2023 dans l’équipe responsable du déploiement des tribunaux spécialisés en violence sexuelle et violence conjugale.

Camille Pratt-Dumas
Agente de développement de formations au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Camille développe des formations personnalisées en concertation avec le milieu de l’éducation collégial et universitaire, pour les futur‧es professionnel‧les de la santé et des services sociaux.

Manon Tomas
Étudiante en santé sexuelle et intervenante psychosociale, Manon Tomas est membre de l’équipe Hommes et Gars aux Îles-de-la-Madeleine.

Témoignages

J'ai beaucoup aimé visiter les différentes structures et organisations qui œuvrent auprès des violences sexistes et sexuelles. C'était très enrichissant et intéressant de voir leur fonctionnement. J'ai eu un coup de cœur pour les associations comme le collectif féministe contre le viol et Médée qui nous ont accueillis à bras ouvert et vraiment permis de plonger au cœur de leurs actions.

Laura Lacroix Sexologue et conceptrice de programmes de prévention des violences sexuelles au Centre de Prévention et d'Intervention pour les victimes d'agression sexuelle (CPIVAS)

Cette mission m'a permis d'en apprendre beaucoup sur les approches et les pratiques de la France, tout en me donnant l'opportunité de mieux situer nos propres pratiques au Québec. Elle m'a également permis d'approfondir mes réflexions, ce qui me sera utile pour transposer ces apprentissages dans mon propre travail et mes recherches académiques.

Mélina Beaulieu Doctorante en criminologie, Université Laval. Coordonnatrice scientifique de l’équipe « Violence-Justice », membre du Centre de Recherches Appliquées et Interdisciplinaires sur les Violences intimes, familiales et structurelles (RAIV)

Je me sens choyée d'avoir pu participer à cette mission. Je me sens accomplie sur le plan professionnel, mais également sur le plan personnel. Cette mission m'a permis de côtoyer des femmes d'exception et de créer des liens enrichissants. J'ai apprécié grandement créer un réseau avec les autres femmes de la délégation. Je me sens rempli de bonheur et de reconnaissance.

Jo-Annie Fournier Sergente-détective à l’unité des crimes à caractères sexuels au Service de Police de la Ville de Montréal

J'ai beaucoup aimé! Ça nous a montré que les structures françaises et les structures québécoises ont des réalités et des enjeux politiques assez similaires, malgré la distance. La rencontre avec l'école de la Magistrature, ça m'a beaucoup appris sur le fonctionnement du système de justice français, que je ne connaissais pas bien. J'ai pris beaucoup de notes et j'ai appris beaucoup. Autant sur les revendications politiques, que sur les pratiques d'interventions sur le terrain.

Camille Pratt-Dumas Agente de développement de formations au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

J'ai appris énormément. Gros condensé d'apprentissages, de liens et de sororité. J'ai aimé la diversité des profils d'associations que nous avons rencontrées, de voir comment les associations françaises incluent la réalité immigrante et réfugiée à leurs services. J'ai été surprise d'apprendre que plusieurs d'entre elles avaient des postes spécifiques mis sur pied en ce sens. Le fait de se rendre sur place donne un regard vraiment complet et plus immersif.

Rosanne Lord Intervenante communautaire spécialisée en santé et services sociaux chez Accueil et Intégration BSL

Ce que j’ai le plus apprécié de cette mission, c’est la richesse et la complémentarité des rencontres, ainsi que l’ambiance d’échange bienveillante et stimulante qui régnait tout au long de la semaine. La diversité des pratiques partagées, tant sur le plan institutionnel qu’associatif, a nourri ma réflexion et mes interventions professionnelles. J’ai particulièrement aimé la possibilité de confronter les approches québécoises et françaises en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, tout en créant des ponts concrets entre les deux contextes. Le leadership inspirant d’Éléonore et d’Ève-Line a également grandement contribué à la cohésion du groupe. Leur accompagnement rigoureux et humain a permis de maximiser les apprentissages tout en favorisant une dynamique de collaboration et de soutien entre participantes. Enfin, les échanges informels avec les autres jeunes professionnelles, issus de milieux variés, ont été pour moi une source précieuse d’enrichissement personnel et professionnel.

Sara Arsenault Sara Arsenault

EN SAVOIR +

Ce projet répond à l’une des recommandations exprimé en avril 2024 par les premiers ministres français et québécois lors de la Rencontre alternée des premiers ministres (RAPM) : favoriser les échanges et le partage d’expertise au sein de groupe de travail franco-québécois sur les bonnes pratiques à mettre en place en matière de la lutte contre la violence faite aux femmes y compris les violences sexuelles, la violence conjugale et la violence familiale, notamment en matière de prévention de la récidive et de prise en charge des auteurs, en valorisant les instruments juridiques internationaux déjà existants.

L’organisation de ces regards croisés franco-québécois sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles s’inscrit dans le cadre du volet Action citoyenne du programme Engagement citoyen de LOJIQ.

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