2 juillet 2020
Services publics, c’est votre tour de nous laisser vous parler d’amour
Voici une nouvelle rubrique Donnons la parole à la relève scientifique. Pour ce 1er article, nous avons choisi Jade Boivin.
Jade est inscrite au programme de doctorat en administration publique à l’Université d’Ottawa. Elle a bénéficié du soutien de LOJIQ pour participer à des séminaires de formation de la campagne Non à la haine, organisés par le Conseil de l’Europe. Cette expérience l’a sensibilisée à l’importance des politiques publiques et de la gouvernance.
Son engagement a aussi orienté son choix d’entreprendre un doctorat en administration publique sur les enjeux d’éthique et de diversité. Elle agit comme administratrice au sein des CA de l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) et de la Société québécoise de science politique (SQSP). De plus, elle est une collaboratrice de l’Université de l’Ontario français (UOF).
Elle a choisi de nous sensibiliser sur nos services publics, particulièrement importants en cette période de pandémie de la Covid-19. Voici son témoignage :
Donnons la parole à la relève scientifique : Jade Boivin
La pandémie a permis aux Québécois de réaliser, plus que jamais, l’importance que les services publics occupent dans leur vie. Ces derniers répondent à leurs besoins en matière de santé ou d’éducation, pour ne nommer que ces 2 champs d’intervention. L’administration publique n’est habituellement pas un sujet très « sexy ». C’est rare qu’on se lève un matin en pensant intensément à l’état du CLSC de notre quartier. Au mieux, les services publics font l’objet d’une attention médiatique lorsqu’une réforme est annoncée ou lorsqu’il y a un scandale. Puis, rapidement le cycle des nouvelles suit son cours et on passe à la prochaine histoire. Or, depuis le mois de mars, l’état des services de santé, des écoles, des services de garde et des CHSLD est devenu des sujets de discussion chauds à travers la province.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que les services publics ont une résonance particulière au Québec. Leur création est intimement liée à la Révolution tranquille. L’établissement des services publics a participé à la construction de l’État québécois, à l’émancipation politique, économique et culturelle des citoyens. Considérant la position distincte du Québec sur les plans culturel et linguistique, ils occupent une place privilégiée dans l’articulation de l’identité collective québécoise. D’ailleurs, la gouvernance des services publics québécois est aussi considérée comme un modèle distinct par plusieurs experts en administration publique.
Qu’est-ce que la gouvernance au juste ? Il en existe plusieurs définitions, mais on pourrait dire que c’est la manière dont l’État intervient, avec la société civile, afin de réaliser des projets de société. Au Québec, dans la période charnière où nous avons développé nos services publics, nous avons été précoces dans l’intégration des citoyens à titre de pleins participants à l’élaboration des services publics. Bien qu’on parle davantage aujourd’hui de plusieurs modèles québécois de services publics et que les manières de faire ont évolué, ces services détiennent toujours une grande valeur symbolique dans l’imaginaire collectif québécois.
Cet aspect de notre identité collective a refait particulièrement surface durant la crise. En ce sens, la période que l’on traverse met en lumière le rôle central des services publics québécois dans notre quotidien. Par exemple, on constate que l’école dépasse largement sa mission strictement éducative. On réalise qu’elle joue un rôle clef dans le tissu social des communautés. Je pense aux enfants isolés et particulièrement vulnérables pour qui l’école représente un réel filet social. On réalise aussi que des fonctionnaires, dont on sous-estime l’existence et qui travaillent toujours dans l’ombre, ont des expertises bien précieuses qui nous permettent de traverser au mieux la crise actuelle.
La pandémie met en exergue les forces, mais aussi les faiblesses des services publics québécois. Les constats sont parfois durs. Je pense notamment aux services de santé publics qui n’ont pu mobiliser les ressources nécessaires pour offrir des soins décents ou pour assurer un environnement de travail sécuritaire aux employés. Il y a aussi de beaux moments : on sait maintenant que notre Institut de santé publique du Québec a les reins solides. Les politiques publiques en matière de santé sont prises selon des standards scientifiques rigoureux et l’effort de vulgarisation est remarquable. En outre, on réalise la chance qu’on a de pouvoir compter sur des gens dévoués et honnêtes qui occupent des postes à divers niveaux de la fonction publique québécoise, tout comme les lanceurs d’alerte qui font preuve de courage pour protéger le public.
À la lumière de la crise, les différents constats que l’on formule sont plus qu’anecdotiques. Ils nous amènent à réfléchir à la gouvernance des services publics québécois et, plus profondément, à nos choix de société. Les citoyens se penchent sur des décisions prises sur plusieurs décennies et qui petit à petit nous ont menés, pour le meilleur et pour le pire, à l’état actuel des services publics. En montagnes russes, leurs succès et ratés nous ont fait vivre une gamme d’émotions : la colère et la tristesse de voir qu’on avait laissé des situations s’envenimer. Aussi de la fierté de constater la force de certaines de nos institutions et surtout, des gens qui les constituent.
Comme doctorante en administration publique, mais surtout comme citoyenne, je nous souhaite de continuer à nous intéresser à la gouvernance de nos services publics. On peut bien vivre dans une démocratie avec un gouvernement dûment élu. Si on ne dispose pas des moyens nécessaires pour mettre en application nos politiques, c’est vide de sens. La crise qu’a engendré le manque de préposés aux bénéficiaires l’a bien démontré. Un gouvernement peut bien intervenir avec agilité, encore faut-il qu’il en ait les moyens. Cette crise révèle à quel point on dépend d’une administration publique forte pour soigner nos malades, former des gens compétents et gérer des crises quotidiennes et parfois, majeures. On peut mettre un arc- en -ciel dans sa fenêtre par solidarité, mais c’est à travers la qualité des soins donnés, l’éducation, ainsi que le soutien aux plus vulnérables que nous sommes vraiment solidaires.
Je nous souhaite de continuer à nous intéresser et à questionner l’état des services publics. Ceux-ci appartiennent à tous les Québécois et les Québécoises.
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