Grâce au soutien de LOJIQ, Marie-Chantale Béland était aux Rencontres internationales du Festival TransAmériques – FTA –, début juin, à Montréal. L’interprète en danse de Québec inscrit son art dans le récit de soi. Ses premiers pas au FTA lui permettent de voir ses valeurs comme universelles. Aujourd’hui, en quête de transmission, elle veut davantage danser vers l’Autre.

En participant au FTA, tu espérais savoir où se positionne ta pratique artistique par rapport à ce qui se fait sur le marché actuellement. Que penses-tu de ton art depuis ton expérience au FTA?
Marie-Chantale Béland – « Lors d’une rencontre avec Dany Boudreault et Gurshad Shaheman, après leur spectacle, Gurshad a parlé du récit de soi. Et c’est vraiment là-dedans que je situe ma pratique. Donc, ça m’a fait du bien de l’entendre parler de sa démarche. Car, souvent, lorsqu’on est dans le récit de soi, on craint que ce qu’on exprime ne soit pas universel. De voir comment lui, qui vient d’un autre pays, le présente au public, ça m’a beaucoup parlé.

Nous avons aussi rencontré les directrices artistiques du FTA. Le fait que ce soit des femmes, ça m’a portée à réfléchir sur le sentiment d’illégitimité qu’on peut avoir en tant que femme quand vient le temps de “prendre l’espace”.

À l’issue de ces échanges, je pense que mon art est vraiment ancré dans les valeurs du lieu d’où je viens. Il reflète ma position de privilégiée et les enjeux de mon environnement. En rencontrant d’autres artistes, je me dis qu’on vit des réalités similaires, mais qui s’expriment à travers des enjeux différents. Je finis par voir qu’il n’y a pas de hiérarchie dans nos expressions artistiques. Il y a seulement des différences. »

Image du site www.lojiq.org

Marie-Chantale Béland et 2 autres participants du FTA soutenus par LOJIQ

Tu souhaitais aussi que ta participation au FTA enrichisse les réflexions d’autres artistes. Avec quels propos penses-tu avoir touché les autres participants ?
M.-C. B. – « En fait, lorsque je m’exprime au sein d’un groupe, j’apporte beaucoup de nuance. Je crois avoir touché les participants avec le partage d’un vécu très féminin. Par exemple, j’ai parlé du fait que j’avais été élevée par une mère lesbienne, dans les années 90, à la campagne, dans une ambiance de tabou. J’ai raconté que c’était les valeurs féministes et queer qui m’avaient permis de m’ouvrir au monde.

Or, dans notre groupe, il y avait quelqu’un qui avait des opinions très controversées par rapport à bien des choses. Je tenais quand même à ce qu’on respecte son droit à avoir une opinion et à l’exprimer, même si ça pouvait choquer. J’apportais de la nuance dans les critiques que pouvaient lui adresser certains participants.

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Marie-Chantale Béland, à dr., en atelier, lors des Rencontres internationales du FTA 2024

Souvent, ces mêmes personnes revenaient vers moi pour me remercier de leur avoir permis de voir les choses différemment. D’autres me demandaient comment j’en suis venue à avoir cette ouverture d’esprit. Et justement, je crois que c’est en raison des valeurs d’où je viens, de mon histoire, que j’ai cette ouverture. Faire valoir la nuance et le respect des différences d’opinion a fini par devenir mon rôle dans le groupe. »

Comment est-ce que ton expérience au FTA va s’exprimer dans ton art à l’avenir ?
M.-C. B. – « Les sujets que j’aborde dans la danse resteront les mêmes. Ce qui risque de changer, c’est le réseau que j’ai maintenant à l’international, grâce au FTA. Ce sera intéressant de voir si j’évolue à l’intérieur de ce nouveau réseau ou si, à partir de ce réseau, j’en crée d’autres à l’international.

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Marie-Chantale Béland, assise au sol, lors de discussions entre artistes, pendant les Rencontres internationales du FTA

Maintenant, au lieu d’envisager des tournées, je pense aux personnes avec qui j’aimerais collaborer. Par exemple, depuis le FTA, je me dis qu’il faut que j’aille en Afrique, comme observatrice. Il y a tellement de réalités artistiques auxquelles je n’ai pas été exposée.

Ça me fait penser à l’artiste haïtien Cloche ! Il nous a proposé une activité brise-glace comme jamais je n’en ai vu. Dans une simple transmission, on ressent tout un bagage culturel qui nous est inconnu et qui finit par devenir une curiosité.

Donc, aujourd’hui, je souhaite que mon art s’inscrive aussi dans la transmission. La transmission et les rencontres vont continuer à m’animer. »

Propos recueillis par Nadège Célestin

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